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Du neuf en matière de délais fiscaux et de procédure !

Du neuf en matière de délais fiscaux et de procédure !

Une loi du 20 novembre 2022 modifie :

  • Les délais d’enrôlement de l’impôt 
  • Les délais de conservation des documents
  • Les pouvoirs de l’administration fiscale à l’égard des contribuables et des tiers

 

I. Nouveaux délais fiscaux

  • Lorsqu’une déclaration a été rentrée dans les délais, mais que l’impôt dû est supérieur à celui qui découle de la déclaration

–> Le délai est fixé à 3 ans

  • Lorsque la déclaration est tardive ou inexistante

–> Le délai est fixé à 4 ans (+ 1 an)

  • Dans certains cas particuliers (paiements dans des Paradis fiscaux, application de la notion de « prix de transfert », etc)

–> Le délai est fixé à 6 ans (+ 3 ans)*

*Lorsque la déclaration est « complexe» (application de dispositifs hybrides, etc)

–> Le délai est fixé à 10 ans (+ 7 ans)*

  • En cas de fraude fiscale

–> Le délai est fixé à 10 ans (+ 3 ans)

* Le délai étendu à 6 ou 10 ans (sauf en cas de fraude) ne peut être appliqué à l’enrôlement d’un supplément lié à la déclaration erronée ou incomplète :

  • des impôts, taxes et rétributions régionaux ;
  • des amendes, pénalités et confiscations de toute nature ;
  • des frais de voiture non déductibles ;
  • des frais de réception et de cadeaux d’affaires ;
  • des frais de restaurant non déductibles ;
  • des frais de vêtements professionnels non spécifiques ;
  • des avantages sociaux, y compris les avantages de titres-repas, de chèques de sport ou de culture ou écochèques.

Les nouveaux délais s’appliquent à partir de l’exercice d’imposition 2023 => aux revenus de l’année 2022 !

N.B. : En matière de TVA aussi, les délais sont revus :

  • Délai de 4 ans en cas d’absence de déclaration ou de remise tardive de celle-ci
  • Délai de 10 ans en cas de fraude

Les nouveaux délais s’appliquent à la TVA qui devient exigible à partir du 1er janvier 2023 !

 

II. Augmentation des délais de conservation des documents

Le délai de conservation (par voie informatique, le cas échéant) passe de 7 à 10 ans.

Le nouveau délai s’applique à partir de l’exercice d’imposition 2023 !

 

III.  Augmentation du délai de réclamation

La réclamation consiste en un recours fiscal administratif préalable obligatoire au recours judiciaire.

Le délai de réclamation est augmenté de 6 mois à 1 an.

Le nouveau délai s’appliquera à partir du 1er janvier 2025 !

 

IV.Possibilité pour l’administration fiscale de FORCER le contribuable (ou un tiers) à contribuer à la collecte des informations en vue d’établir une imposition

L’administration fiscale peut citer (dans les formes et délais applicables en matière de référé => délais courts !) un contribuable qui refuse de contribuer à l’examen de sa situation fiscale !

  • Obligation de communiquer les livres (article 315 CIR)
  • Obligation de communiquer les documents informatisés (article 315bis CIR)
  • Demande de renseignements (article 316 CIR)
  • Demande de renseignements bancaires (article 318 CIR)
  • Obligation de laisser visiter les locaux professionnels (article 319 CIR)

Elle peut agir de la même manière à l’égard d’un tiers qui ne répond pas aux sollicitations de l’administration fiscale concernant un autre contribuable !

  • Demande de renseignements, enquête, audition, etc, des tiers (article 322, § 1er CIR)
  • Demande auprès des établissements bancaires (article 322, § 2 CIR)
  • Audition formelle de témoins (articles 325 et 326 CIR)

Pour obtenir une condamnation SOUS ASTREINTE à fournir les documents demandés, à témoigner ou à laisser accès aux locaux professionnels !

N.B. : En matière de TVA, la même procédure est également possible !

 

QUE FAUT-IL PENSER DE CES MESURES ?

  • Augmenter les délais, notamment lorsque des informations sont échangées entre pays ou que des éléments « internationaux » interviennent dans l’établissement de l’impôt ?

Pourquoi pas …

  • Mais l’échange d’informations automatique n’est pas nouveau et l’informatique facilite et accélère le traitement des dossiers !
  • Mais l’allongement du délai en cas de fraude (selon l’administration …!) soumet chaque contribuable à une longue période d’incertitude !

 

  • Contraindre un contribuable à s’auto-accuser ou un tiers à « dénoncer » un autre contribuable ?

Non !

  • Le but est, notamment, de contrecarrer les effets d’un arrêt de la Cour constitutionnelle du 12 octobre 2017, qui a considéré qu’en l’absence d’une disposition légale spécifique, l’administration fiscale ne pouvait forcer la main au contribuable qui refuse l’accès à ses locaux (pas de pouvoir de perquisition).
  • L’exposé des motifs expose que « selon la CEDH, le recours aux astreintes est autorisé pour inciter les contribuables à fournir des informations sur leurs affaires financières (CEDH 9 juillet 2015) ».
  • Mais il omet de préciser que la CEDH, dans son arrêt Van Weerelt du 9 juillet 2015, a tenu compte, pour rendre sa décision, du fait que le Hoge Raad des Pays-Bas avait d’ores et déjà exclu que les informations exigées du contribuable sous couvert d’une astreinte puissent être utilisées dans le cadre d’une procédure pénale contre lui, voire simplement pour lui infliger une amende !
  • Il ne pourrait donc pas être question, sous peine de violer les dispositions de la Convention européenne des Droits de l’homme, d’infliger des sanctions administratives à caractère pénal suite à la communication d’informations sous couvert d’astreinte !
  • Face à des accusations en matière pénale, le justiciable n’est pas obligé et ne peut être contraint de s’auto-incriminer !
  • DROIT AU SILENCE !
  • Or, les sanctions fiscales – accroissements, etc – sont considérées comme des sanctions pénales au sens de la Convention européenne des Droits de l’Homme (cf. jurisprudence désormais constante de la Cour de cassation, aussi bien à l’égard des sanctions prévues par le CIR que de celles visées par le CTVA) !
  • Arrêt Chambaz c. Suisse, 5 avril 2012 : la CEDH a étendu l’application du droit à un procès équitable à la totalité de la procédure fiscale dès le moment où cette dernière revêt, même partiellement ou potentiellement, un caractère pénal !
  • Lorsque le droit de ne pas s’auto-incriminer doit être garanti, il est exclu que le refus de collaboration puisse être sanctionné d’une amende administrative (Cass. 21 novembre 2014) !

 

Nous sommes donc d’avis que ce nouveau texte, en ce qu’il permet de prononcer des condamnations judiciaires sous astreinte à collaborer avec l’administration fiscale VIOLE le droit international.

Le cas échéant, les recours utiles devront être introduits en temps utile.

 

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