Le règlement sur l’intelligence artificielle est en vigueur
La conformité des fournisseurs de système d’IA devient un enjeu pour les entreprises. Le Règlement européen sur l’intelligence artificielle (RIA) commence à transformer les relations contractuelles avec les prestataires tech. Au-delà des sanctions financières en cas de non-respect, c’est la réputation, la sécurité juridique et la performance des outils qui sont en jeu.
Le RIA a été voté en 2024 et ses dispositions commencent à entrer en vigueur dès 2025. Son calendrier d’application s’étale jusqu’en 2027. Ses effets concrets, eux, sont déjà là. Dans les appels d’offres, dans les grilles d’évaluation des fournisseurs, dans les audits de conformité… Le RIA commence à structurer les relations entre entreprises utilisatrices et prestataires technologiques.
L’intelligence artificielle n’est plus réservée aux laboratoires ou aux projets d’innovation. Elle est déjà intégrée dans beaucoup d’outils technologiques utilisés au quotidien : logiciels de gestion, plateformes RH, CRM, solutions de rédaction, moteurs de recherche internes, services cloud. Chaque nouvelle fonctionnalité « intelligente » transforme un produit standard en outil potentiellement soumis aux règles du Règlement européen sur l’IA.
Pour les directions juridiques et les dirigeants d’entreprise, cette omniprésence appelle à un nouveau réflexe : évaluer la conformité IA des fournisseurs dès la sélection d’un logiciel ou la négociation d’un contrat. Le règlement est déjà en vigueur, et ses premières obligations s’appliquent déj). Attendre est donc une erreur stratégique. Il faut dès maintenant intégrer ces exigences dans les process d’achat, d’audit et de gouvernance.
Pour les directions juridiques et les dirigeants de PME, cette évolution impose la vigilance : comment s’assurer que les outils IA utilisés souvent embarqués dans des logiciels métiers respectent le cadre réglementaire européen ? Et comment anticiper les responsabilités qui pourraient en découler en cas de défaillance du fournisseur ?
Un enjeu de conformité et de réputation pour son business
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les risques ne concernent pas seulement les éditeurs ou développeurs d’IA. Lorsqu’un fournisseur propose une solution non conforme ou mal documentée, c’est aussi l’utilisateur final qui s’expose : perte de confiance des clients, incertitude juridique en cas de contentieux, atteinte à la réputation, voire remise en cause de certains marchés.
Les entreprises les plus prudentes ne s’y trompent pas : elles interrogent déjà leurs prestataires sur leur niveau de préparation au règlement.
Certaines vont plus loin en intégrant des clauses spécifiques dans les contrats, dès la phase de sourcing (processus de recherche, d’identification, d’évaluation et de sélection de nouveaux fournisseurs ou prestataires de services).
Comprendre le niveau de risque : un indicateur de maturité
La première question à poser à un fournisseur est aussi la plus révélatrice de sa maturité : dans quelle catégorie de risque se situent ses solutions ? Le RIA distingue trois niveaux : les systèmes interdits (comme la reconnaissance faciale en temps réel ou la manipulation subliminale), les systèmes à haut risque (ceux qui touchent à la santé, à la sécurité ou aux droits fondamentaux), et les systèmes à risque limité. C’est là où peuvent aussi se situer les outils utilisés dans les services juridiques ou administratifs.
Un fournisseur sérieux doit être capable d’expliquer dans quelle case entre chaque fonctionnalité (avec des justifications concrètes). À défaut, ce n’est pas seulement un problème de conformité, c’est un signal d’alerte sur la compréhension même de l’environnement réglementaire.
L’orientation produit : document ou individu ?
Le RIA vise à encadrer les usages d’IA qui analysent, classent ou prédissent des comportements humains. Pour un éditeur, la différence entre un outil centré sur les documents (comme l’analyse contractuelle) et un outil centré sur les personnes (comme un scoring) n’est pas anodine : elle détermine la rigueur attendue en matière de tests, de documentation, de supervision humaine.
Les entreprises clientes ont donc tout intérêt à privilégier les solutions qui améliorent l’efficacité sans empiéter sur le jugement. C’est ce type de positionnement qui permet de concilier gain opérationnel et maîtrise du risque.
Gouvernance embarquée ou bricolage en coulisses ?
Le RIA impose des obligations en matière de gouvernance des systèmes d’IA : gestion des risques tout au long du cycle de vie, documentation des données d’entraînement, tests de biais, procédures d’alerte et de correction. Ce ne sont pas des options à cocher en fin de projet mais plutôt des exigences structurelles.
Un fournisseur mature n’attendra pas qu’on lui pose la question. Il intégrera ces éléments dans un “compliance pack” qu’il remettra dès la phase de sélection : classification des risques par fonctionnalité, sources de données, méthodologie de test, protocole en cas d’incident.
Si ces informations ne sont pas disponibles ou restent vagues, il est probable que la solution ait été conçue sans véritable discipline réglementaire. Et c’est un risque que peu de directions juridiques peuvent aujourd’hui se permettre.
La transparence : un véritable enjeu de confiance
Le RIA impose aussi des obligations de transparence dans certaines situations: informer clairement l’utilisateur qu’il interagit avec une IA, tracer les interventions de l’outil, permettre une supervision humaine. Ces exigences peuvent sembler mineures mais elles touchent à la crédibilité même des outils utilisés dans des contextes sensibles comme le conseil juridique, la négociation ou les ressources humaines.
Un fournisseur qui prend la transparence au sérieux ne se contente pas d’une mention dans ses conditions générales. Il met en place des mécanismes visibles : recueil explicite du consentement, journaux d’activité détaillant les actions de l’IA. Ce sont ces dispositifs qui permettront à l’utilisateur de garder la main et le contrôle pour assumer ses décisions.
La place de l’humain : une exigence pas une option
Le RIA repose sur un principe fondamental : l’IA ne remplace pas le jugement humain. L’utilisateur reste responsable. Cela suppose que les outils soient conçus pour assister dans la prise de décisions qu’elles soient sensibles ou pas.
Dans les meilleures pratiques observées des outils juridiques, les plateformes de gestion contractuelle signalent les écarts mais ne valident rien en autonomie. Les assistants rédactionnels suggèrent des modifications mais laissent la plume à l’utilisateur. Les automatisations ne se déclenchent qu’après validation explicite. C’est cette approche centrée sur le contrôle humain qui permettra une adoption durable et conforme des technologies d’IA en entreprise.
Préparer l’imprévu : la question du plan d’incident du fournisseur
Aucune technologie n’est infaillible et le RIA le reconnaît en imposant aux fournisseurs un protocole de gestion des incidents liés à l’IA. Cela inclut la détection des dysfonctionnements, leur documentation, leur signalement aux autorités compétentes et l’information des utilisateurs.
Du point de vue d’une entreprise , il est nécessaire de savoir comment un fournisseur réagira en cas de problème. Quelle est la procédure interne ? Comment les erreurs sont-elles identifiées et catégorisées ? Sous quel délai l’entreprise cliente sera-t-elle informée ? Un discours vague ou un excès de confiance (“ça ne peut pas arriver”) doit inciter à la prudence. La crédibilité du fournisseur repose aussi sur sa capacité à anticiper les défaillances et à les gérer avec une méthodologie claire.
Avancer avec les bons partenaires
Certes, le calendrier du RIA laisse encore quelques mois avant l’entrée en application des règles les plus strictes. Mais dans les faits, le marché n’attend pas. Les appels d’offres incluent déjà des exigences de conformité. Les services achats commencent à filtrer les éditeurs sur leur capacité à démontrer un alignement avec la réglementation.
Les fournisseurs les plus avancés ne voient pas le RIA comme une contrainte mais comme une opportunité de se différencier : ils intègrent la conformité dans leur argumentaire commercial, dans leurs contrats, dans leur documentation produit. Les autres espèrent encore “s’adapter plus tard”. Pour les entreprises utilisatrices, la différence est décisive.
Une opportunité pour les juristes d’entreprise?
Le RIA ne se résume pas à un enjeu de conformité. C’est aussi un levier stratégique : en orientant les choix technologiques, en posant les bonnes exigences, en structurant la relation contractuelle avec les fournisseurs, les directions juridiques peuvent jouer un rôle central dans l’adoption d’une IA plus responsable et plus maîtrisée.
Cette posture proactive permet de sécuriser l’entreprise, bien sûr. Mais elle renforce aussi la position du juriste comme acteur de la transformation numérique, capable d’aligner innovation, éthique et performance opérationnelle.
Checklist RIA : 7 questions à poser à tout fournisseur d’IA
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Dans quelle catégorie de risque RIA se situe votre outil ?
→ Exigez une classification claire par fonctionnalité. -
Votre IA analyse-t-elle des documents ou des comportements humains ?
→ Privilégiez les approches centrées sur les documents. Fuyez les prédictions sur les individus. -
Quelles mesures de gouvernance avez-vous mises en place ?
→ Demandez un “compliance pack” : données d’entraînement, test de biais, protocole d’alerte. -
Comment informez-vous les utilisateurs qu’ils interagissent avec une IA ?
→ Vérifiez la présence d’éléments visibles (bandeaux, pop-ups, logs d’activité). -
Où est la validation humaine dans votre produit ?
→ Toute automatisation doit être supervisée : pas de décision juridique prise par l’IA seule. -
Quel est votre plan de gestion des incidents IA ?
→ Attendez-vous à un protocole documenté : détection, notification, traitement. -
Comment vous préparez-vous aux prochaines étapes du RIA ?
→ Les meilleurs fournisseurs anticipent déjà 2026. Les autres improvisent.
Photo de 🇻🇪 Jose G. Ortega Castro 🇲🇽 sur Unsplash

Avocat en droit des affaires, Florian conseille les entreprises et les start-ups à développer leur activité dans divers secteurs.
Florian a développé un savoir-faire dans le droit des technologies et plus particulièrement sur la technologie blockchain qu’il pratique quotidiennement. Il conseille régulièrement des start-up et des sociétés actives dans l’industrie blockchain. Grâce à sa formation, Florian offre un service complet aux entrepreneurs qui façonnent le monde de demain.