Clicky
La Défense, Paris
+32(0) 4 295 53 35

Responsabilité des administrateurs : quand l’ONSS vous rattrape même après votre départ

Responsabilité des administrateurs : quand l’ONSS vous rattrape même après votre départ

Quand la démission ne protège plus : ce que les administrateurs doivent savoir sur leur responsabilité en cas de dettes sociales

Administrer une société, c’est parfois piloter dans l’incertitude. Lorsque les finances vacillent, on espère que la réorganisation ou le changement de direction suffira à redresser la barre. Mais que se passe-t-il lorsque la société tombe en faillite… plusieurs mois après une démission que l’on croyait protectrice ? Peut-on encore être personnellement poursuivi pour des dettes sociales, alors qu’on n’était plus aux commandes au moment du naufrage ?

Une décision de la Cour de cassation belge, rendue en mars 2025, vient rappeler que la réponse est oui. Ce n’est plus tant la faute qui compte mais l’“implication” dans des faillites antérieures… même sans lien direct avec les faits reprochés.

Cette jurisprudence mérite notre attention : elle éclaire un mécanisme de responsabilité “automatique”.  Et surtout, elle montre à quel point la prévention – documentaire, stratégique, collective – est devenue indispensable.

Une administratrice condamnée… malgré ses démission avant faillite

L’histoire commence de manière tristement banale : une société accumule des difficultés, tente une réorganisation, mais finit en faillite. S.L., administratrice de plusieurs structures successives, a pourtant quitté ses fonctions avant que la situation ne dégénère complètement. En l’occurrence, elle avait démissionné de deux sociétés respectivement 10 et 8 mois avant leur dépôt de bilan. À l’époque, elle pensait probablement avoir fait ce qu’il fallait pour se désengager.

Mais pour l’ONSS, cette démission n’efface pas tout. L’ONSS engage une action contre elle, sur la base d’un article de loi (ancien article 265 du Code des Sociétés – article XX.226 CDE) qui permet de rendre personnellement responsables les administrateurs ayant été “impliqués” dans au moins deux faillites antérieures avec dettes cotisations sociales, dans les cinq années précédant une nouvelle faillite.

Et c’est là que la jurisprudence prend un tournant sérieux. D’abord, la cour d’appel considère que S.L. remplit les conditions : elle a bien été administratrice dans deux sociétés ayant fait faillite avec dettes de cotisations sociales (ONSS) impayées, même si elle n’était plus en poste au moment où ces sociétés ont été déclarées en faillite.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 mars 2025, valide cette interprétation. Pour elle, l’implication d’un administrateur dans une faillite ne dépend pas de sa présence lors du dépôt de bilan, mais du fait qu’il ait exercé une fonction d’administration pendant la période précédant la faillite. Et ce, même sans intention frauduleuse, négligence grave ou comportement fautif.

Autrement dit : la responsabilité est objective. Il suffit d’avoir été là, « au mauvais moment », dans deux sociétés tombées dans le rouge, pour risquer d’être tenu responsable personnellement

Ce que cette jurisprudence change (et ce qu’elle nous enseigne)

Cet arrêt a un mérite : il met les choses au clair. Mais il le fait de manière brutale. Désormais, dans certains cas, le simple fait d’avoir été administrateur dans deux sociétés défaillantes suffit à engager votre responsabilité personnelle pour les dettes ONSS d’une troisième, sans qu’il soit besoin de démontrer une faute. La bonne foi ne protège plus. La démission préventive non plus.

Que faire alors lorsqu’on envisage d’accepter un mandat d’administrateur dans une structure fragile ? Voici quelques repères :

👉 Anticiper, documenter, alerter : dès que des tensions apparaissent dans la trésorerie ou les paiements de dettes de cotisations sociales, il est impératif de documenter toutes les décisions du conseil d’administration, de solliciter des avis et d’alerter les actionnaires. Ce qui se joue ici, c’est la traçabilité de votre action.

👉 Refuser les mandats à l’aveugle : accepter d’être administrateur “pour rendre service” ou pour valider une organisation formelle n’est plus anodin. Il faut poser les bonnes questions : l’entreprise est-elle à jour de ses obligations sociales et fiscales ? Est-ce qu’elle sort d’une période instable ? Y a-t-il eu d’autres faillites récentes dans le groupe ?

👉 Évaluer les passifs sociaux avant d’entrer : si vous arrivez dans une société déjà fragilisée, ne vous contentez pas des chiffres. Regardez les contentieux en cours avec les organismes sociaux, et exigez des garanties si vous devez signer.

👉 Réfléchir à l’exposition des structures: pour les holdings, structures de groupe ou dirigeants multi-sociétés, la vigilance doit être renforcée. Car c’est l’historique de toutes les structures dans lesquelles vous êtes intervenu qui peut être pris en compte.

Photo de Yuvraj Singh Parmar sur Unsplash

 

Articles Similaires